Prematurite
Une grossesse à terme dure habituellement autour de 41 semaines d’aménorrhée (soit 39 semaines de grossesse)
Toute naissance qui arrive avant 37 semaines d’aménorrhée (SA), soit 35 semaines de grossesse) est dite prématurée, elle concerne 60 000 naissance/an en France.
On distingue schématiquement différents cas de figures en fonction du terme :
- La prématurité moyenne (entre 33 et 37 SA)
- La grande prématurité (28 à 33 SA)
- La très grande prématurité (avant 28 SA soit en deçà de 6 mois de grossesse)
Ou en fonction des circonstances :
- La prématurité spontanée (50% des cas) : conséquence d’une rupture prématurée des membranes ou d’un travail prématuré spontané. Une menace d’accouchement prématurée (MAP) associe des contractions de l’utérus régulières, intenses, prolongées, rapprochées à des modifications du col de l’utérus (qui devient court, mou, et s’ouvre), chez une femme enceinte de moins de 37 SA. C’est une complication potentiellement grave pour l’enfant qui risque de naître avant la fin de sa maturation intra-utérine, et qui doit donc être prévenue et traitée le cas échéant. Parfois il est possible d’endiguer le processus (hospitalisation, repos strict, tocolytiques) parfois non et la naissance est prématurée.
- La prématurité induite (50% des cas avant 33 SA) : l’équipe obstétricale doit décider de déclencher l’accouchement en raison de risques pour la mère et l’enfant
- L’hypertension artérielle maternelle (HTA) 20% des cas : dès que la Tension artérielle dépasse 14/9. On distingue les femmes qui ont une hypertension connue (qui préexistait à la grossesse) de celles qui vont la développer pendant la grossesse. Les risques sont la prééclampsie et ses complications.
- Les hémorragies 20% des cas : saignements abondants qui mettent en danger la mère et l’enfant. Liés à un placenta prævia (placenta mal inséré trop proche du col ou le recouvrant), un hématome rétroplacentaire dans un contexte d’HTA ou d’autres causes non identifiées
- La rupture prématurée des membranes 25 à 35% des cas : rupture de la poche des eaux qui se produit avant le début du travail. Elle est liée dans 1/3 des cas à une infection intra-utérine (chorioamniotite), sinon à des conditions socio-économiques défavorables ou la consommation de tabac
- Le travail prématuré spontané 25 à 30% des cas : début de travail avant le terme normal de la grossesse, la poches des eaux étant non rompue. Comme précédemment il peut être lié à une infection dans 15% des cas, sinon à des conditions de vie difficiles et au stress
- Le retard de croissance intra-utérin (RCIU) : correspond à un poids de naissance trop petit pour l’âge gestationnel. C’est l’échographie qui permet de prendre les mensurations du fœtus et de les comparer à des courbes de croissance habituelles. Ce retard est en partie lié à des anomalies du placenta, qui altèrent les échanges entre la mère et le fœtus, celui-ci n’est plus suffisamment nourri et oxygéné donc se développe moins vite. Si cette situation perdure, l’équipe médicale doit provoquer l’accouchement prématuré, le plus souvent par césarienne. C’est très fréquent dans les cas d’HTA maternelle, si le fœtus a des malformations ou une maladie génétique cela peut aggraver le retard de croissance intra-utérin. Parfois aucune cause n’est retrouvée.
Quelles immaturités quelles solutions ?
- Immaturité pulmonaire : les poumons matures fabriquent une substance appelée surfactant qui tapisse la surface des alvéoles pulmonaires et leur donne plus d’élasticité, il est donc indispensable à la fonction respiratoire, mais n’est fabriqué par le bébé avant 32 SA en moyenne.
- Si l’accouchement prématuré est prévisible, on pourra traiter la mère par corticoïdes les 10 jours précédents pour accélérer la maturation pulmonaire du fœtus et éviter les difficultés respiratoires néonatales.
- Si l’accouchement est imprévisible, le bébé aura besoin d’une assistance ventilatoire de quelques jours et recevra dès les premières heures de vie un surfactant médicamenteux grâce à une sonde d’intubation conduite vers les poumons.
La dysplasie broncho-pulmonaire est une inflammation et une hyperréactivité bronchique qui peut être une complication de la ventilation artificielle.
Votre enfant sera plus sensible en cas de bronchiolite
- Immaturité du rythme cardio-respiratoire : chez les nouveau-nés prématurés avant 34 SA, la commande neuro-respiratoire et celle du contrôle du rythme cardiaque sont immatures. Ils ont donc fréquemment des apnées ou des ralentissements de la fréquence cardiaque ( < 100/mn).
- Les pauses respiratoires peuvent entraîner une diminution de la quantité d’oxygène transporté par les globules rouges (désaturation sur les appareils de surveillance). Le traitement habituel consiste à donner au bébé un dérivé de la caféine (qui stimule les centres neuro-respiratoires) ou de mettre en place une ventilation assistée par voie nasale.
- Le ralentissement cardiaque rend le bébé très sensible à toute perturbation (manque d’oxygène, pause respiratoire, reflux gastrique…).
- Le canal artériel : c’est un vaisseau temporaire qui fait communiquer l’aorte et l’artère pulmonaire pendant toute la vie fœtale et se ferme naturellement juste après la naissance. Il arrive que chez le prématuré ce vaisseau tarde à se fermer et soit responsable d’une mauvaise tolérance cardio-respiratoire (surtout chez ceux de moins de 32 semaines). Dans ces cas un traitement médicamenteux par voie veineuse est toujours tenté dans un premier temps, s’il ne fonctionne pas un geste chirurgical devra l’obturer mécaniquement
- Immaturité digestive : plus le bébé est prématuré, plus les différentes composantes de sa fonction digestive (motricité, digestion, absorption) sont immatures. Il a de plus des besoins nutritionnels particuliers.
- Le choix du lait dépend de l’âge gestationnel, de l’âge postnatal, du souhait maternel d’allaiter, d’une éventuelle pathologie associée. Il peut s’agir du lait de la mère ou de lait de lactarium enrichis, de lait spécifique pour prématurés ou plus rarement de lait de régime (sans lactose, sans protéine du lait de vache).
- Avant 36 SA, le prématuré doit être nourri par l’intermédiaire d’une sonde qui arrive directement dans son estomac (entérale), il ne peut pas encore coordonner succion, déglutition et respiration.
- Le reflux gastro-œsophagien (RGO) est fréquent, lié à l’immaturité du sphincter inférieur de l’œsophage (qui devrait empêcher le contenu de l’estomac de remonter), à la capacité réduite de l’estomac, au déplacement du diaphragme vers le bas en cas de difficultés respiratoires, etc. Au fil de la maturation du bébé, le reflux disparait en quelques semaines à quelques mois et sera traité par un médicament en attendant.
- Une complication très rare (2% des cas) mais mortelle peut subvenir : l’entérocolite ulcéro-nécrosante, elle correspond à une destruction du tube digestif 3-4 semaines après la naissance
- Immaturité hépatique : les prématurés ont presque tous une jaunisse (ictère) de quelques jours qui débute 48h après la naissance. Le foie n’est pas encore prêt à métaboliser et éliminer la bilirubine (molécule provenant de la dégradation naturelle des globules rouges), celle-ci en excès dans le sang est responsable de la coloration jaune de la peau. La photothérapie permet cette élimination en attendant la maturation spontanée des fonctions hépatiques.
- Immaturité rénale : lorsque ses reins ne sont pas prêts on va devoir contrôler régulièrement le volume et le contenu des urines du bébé afin de déterminer les apports dont il a besoin en eau, alimentation et en sels minéraux (sodium, potassium, etc.). On devra aussi vérifier ces paramètres par prises de sang. Chez les plus prématurés, il faudra leur délivrer une hormone habituellement fabriquée par le rein pour stimuler la fabrication des globules rouges, l’érythropoïétine (EPO).
- Immaturité du système nerveux central : avant 36SA, on devra surveiller la bonne évolution du fonctionnement cérébral en pratiquant des électro-encéphalogrammes (EEG) et des échographies cérébrales régulièrement au cours du 1er mois de vie. Les corticoïdes et le sulfate de magnésium peuvent avoir un effet protecteur sur le cerveau immature des tout-petits. Une surveillance du fond d’œil est également pratiquée.
- Immaturité du système immunitaire qui peut être la cause d’infections sévères, ayez donc une bonne hygiène des mains en particulier.
Parcours de soins du prématuré
Pour rappel, les maternités se répartissent en 4 types :
- Maternité de type 1 : pas d’hospitalisation néonatale
- Maternité de type 2 A : maternité avec un service de pédiatrie néonatale
- Maternité de type 2 B : maternité avec un service de soins intensifs et pédiatrie néonatale (prise en charge des grossesses à risque donc toutes celles conçues grâce à l’AMP et les MAP à partir de 30/31SA)
- Maternité de type 3 : maternité avec un service de réanimation néonatale (prise en charge les grossesses à risque quel que soit le terme)
Attention, en France, aucune intervention n’est tentée sur les prématurés nés à 23 semaines de grossesse. Pour tous les autres bébés la prise en charge d’un prématuré extrême résulte d’une décision collégiale entre les soignants et les parents
- Votre enfant est hospitalisé, outre le traumatisme de cette naissance prématurée, c’est aussi le choc de la découverte d’un monde hyper-médicalisé (capteurs, monitoring, sondes, alarmes autour de ces petits êtres minuscules).
- La prise en charge va dépendre du stade de prématurité : les grands prématurés seront accueillis en réanimation néonatale où la surveillance est renforcée, ils sont ensuite orientés en soins intensifs puis en néonatologie quand leur état de santé est stable. Parfois cela amène à changer d’établissement pour se rapprocher du domicile familial. Pourtant ce qui est bonne nouvelle est souvent difficile à vivre pour les parents.
- Les nouveau-nés sont placés en couveuse à 34-35°C avec une atmosphère à 80% de taux d’humidité et doivent y rester jusqu’à leurs 2 kg. Le respect de rythme veille/sommeil est respecté le mieux possible pour limiter le stress. Le niveau de luminosité est bas, il n’y pas d’alternance jour/nuit, les postures respectent la position physiologique en flexion. On essaye de s’approcher le plus possible des conditions in utero.
- Le contact avec les parents est très fortement encouragé sous forme de "peau à peau" et aussi dans la participation aux soins. Il rassure l’enfant, réduit son stress, favorise les montées de lait chez la mère, améliore l’évolution globale (rythme cardiaque, fréquence respiratoire, sommeil).
- L’évolution de l’état de santé dépend de chaque enfant et on ne peut prédire si l’enfant va avoir des complications ou garder des séquelles à long terme. Certains facteurs sont néanmoins plus favorables : un âge gestationnel plus avancé, un poids supérieur à la normale pour l’âge gestationnel ou encore le fait d’être une fille.
- Généralement, un enfant peut sortir de l’hôpital lorsqu’il est devenu autonome du point de vue respiratoire et digestif. L’hospitalisation à domicile permet de raccourcir la durée d’hospitalisation.
- L’allaitement maternel : c’est le meilleur aliment pour un bébé prématuré (le plus digeste), si vous ne pouvez pas allaiter quelle qu’en soit la raison, ne culpabilisez-pas. Si cela est possible, ayez une alimentation saine et équilibrée, hydratez-vous bien, prenez l’avis de votre médecin avant de prendre un quelconque médicament.
Votre bébé n’a pas la force de téter lui-même le sein, vous devrez donc louer un tire-lait, de préférence électrique à double pompage, grâce à une ordonnance et cela vous sera remboursé par la sécurité sociale. Notre sage-femme Amélie Menuey pourra vous guider pour déclencher la lactation et poursuivre en douceur. Votre lait se conserve 48h au frais et des mois au congélateur. Si la mise en place est lente, votre bébé pourra recevoir du lait de lactarium, puis le vôtre enrichi en nutriments et vitamines.
Sortie et suivi
Avant
- Essayez de vous reposer pour être en forme lorsque vous accueillerez votre poussin à la maison.
- Créez votre réseau le plus tôt possible : pédiatre, pharmacie, prévenez la PMI de votre secteur que vous allez rentrer à la maison avec un bébé prématuré (une puéricultrice pourra alors vous rendre visite)
- Vis-à-vis de votre entourage : n’hésitez pas à demander de l’aide, mais n’hésitez pas non plus à refuser les visites que vous ne souhaitez pas.
- Posez aux soignants toutes les questions qui vous viennent à l’esprit, le service de néonatalogie restera à votre écoute même après la sortie
- Pensez au jour de la sortie de votre enfant et à l’organisation : siège ou lit auto, vêtements adéquats…
Après
- Les anciens prématurés ont plus de risque de développer un asthme (surtout s’ils ont eu une assistance respiratoire durant la période néonatale), leurs bronches sont plus sensibles aux agressions extérieures. On évitera donc les lits mous, les monceaux de peluche, les couettes et oreillers la 1ère année, les sorties par température extrême, le métro aux heures de pointe, les contacts avec des personnes malades, la crèche collective où les virus pullulent. Sa chambre sera aérée, nettoyée, pas surchauffée.
- Les vaccins seront faits normalement, on ajoutera celui contre le pneumocoque et la grippe les 2 premiers hivers
- Son alimentation sera celle recommandée, avec des besoins spécifiques pour leur permettre une croissance optimale et un rattrapage de leur retard afin d’acquérir après quelques mois des mensurations (poids, taille, périmètre crânien) en rapport avec leur âge réel.
Il existe des laits spécifiques enrichis, qui peuvent se combiner avec un allaitement maternel.
La diversification de l’alimentation (introduction des légumes, fruits…) ne doit pas être trop précoce (pas avant 5-6 mois). Ceci afin de le protéger contre le développement d’éventuelles allergies et de favoriser sa croissance (le lait est plus nutritif que les légumes ou les fruits !).
- Une supplémentation en vitamines est nécessaire : vitamine D dans tous les cas, vitamines A, E, C et K si vous allaitez ; et aussi fer le plus souvent, acide folique parfois.
Suivi médical
- Il est nécessaire d’organiser un double suivi : celui avec les professionnels de santé habituels pour un bébé et un suivi spécifique auprès de pédiatres de néonatologie et/ou par les professionnels d’un CAMSP. Les consultations y sont plus espacées (tous les 2 à 4 mois pendant 2 à 6 ans en fonction du degré de prématurité) et permettent de surveiller le bon développement de votre enfant. En cas de troubles ils sont ainsi dépistés et traités rapidement (kiné, psychomotricité, orthophonie, etc.).
- Une consultation d’ophtalmo précoce (vers 1 an) doit être également prévue (plus de myopie chez les préma).
- N’hésitez pas à consulter rapidement si votre enfant tousse, vomit, a de la fièvre, respire en sifflant, refuse de s’alimenter ou a un comportement inhabituel (troubles du sommeil, pleurs persistants, etc.), surtout la 1ère année.
- Les acquisitions seront retardées et c’est normal ! Restez sereins, n’appliquez aucune pression sur ses performances, encouragez-le, tout en mettant un cadre clair, sans trop le protéger (subtil, non ?).
Vos droits
- Pour les mamans d’enfants prématurés
- Pour les papas d’enfants prématurés
Si la naissance se produit plus de 6 semaines avant la date prévue (donc avant le congé maternité) et que le bébé a besoin d’être hospitalisé, la période d’indemnisation sera rallongée du nombre de jours d’écart entre l’accouchement réel et le début du congé maternité initialement prévu.
Cela revient à dire que grâce à cette nouvelle loi, la maman reprendra son travail à la date à laquelle elle aurait dû reprendre si elle n’avait pas accouché prématurément.
Pour en bénéficier, envoyez un bulletin d’hospitalisation de votre enfant à votre centre de sécurité sociale et n’hésitez pas à vérifier que vos nouvelles dates sont bien prises en compte.
Les papas dont l’enfant est hospitalisé peuvent décaler la prise de leur congé paternité au-delà des 4 mois légaux, à la fin de l’hospitalisation par exemple (Article D.1225-8 du Code du travail…qui fait suite à un Décret n°2008-244 du 7 mars 2008).
Ce congé de paternité de 11 jours (18 jours pour les naissances multiples) est payé par la Sécurité sociale, plafonné au tarif sécu. Attention : ce congé représente une suspension du contrat de travail (pas d’ancienneté ni de jours de congé cumulés sur cette période).
A ne pas confondre avec le congé de naissance, d’une durée de 3 jours, absences autorisées par le code du travail et payées par l’employeur, que les papas peuvent en général prendre dans les 3 mois suivant la naissance (dépend des conventions collectives).
Les séquelles
Les enfants qui sortent de néonatologie sans pathologie grave sont de :
30% à 25SA, 48% à 26SA, 81% entre 27 et 31SA et 97% entre 32 et 34SA.
Avant 25 SA le pronostic reste très incertain.
Les séquelles neurologiques sont fréquentes, en particulier chez les grands prématurés. Elles peuvent se manifester par des troubles moteurs avec un retard à la marche ou des difficultés à marcher, des troubles cognitifs avec des difficultés de langage oral ou écrit, ou encore des troubles de l’attention et des troubles sensoriels, visuels ou auditifs.
Après la sortie de l’hôpital, la croissance staturo-pondérale du prématuré est plus rapide que celle de l'enfant né à terme. Par ailleurs, lorsque le pédiatre compare les acquisitions psychomotrices du prématuré à celles d’un nourrisson né à terme, il tient compte de "l'âge corrigé" et non de l'âge réel.
Décès
Le pourcentage de survie des prématurés est de 59% à 25 SA, 75% à 26 SA, 94% entre 27-31 SA et 99% entre 32 et 34 SA.
Si vous avez perdu votre poussin, l’équipe hospitalière sera à vos côtés, et L’arbre de vie aussi pour vous accompagner psychologiquement et physiquement. Il existe également des associations spécialisées dans l’assistance de cette grande épreuve de vie.
Avec les certificats (naissance et décès) vous pourrez faire valoir vos droits et vos prises en charge. Votre enfant sera inscrit sur le livret de famille. Les personnels des pompes funèbres sauront vous conseiller dans vos choix afin que tout se déroule en adéquation avec vos désirs et vos croyances. L’allongement du congé maternité s’applique aussi.